Valmarie

Walnut Grove, le 28 avril 18..

 Ma chère Mary,

            Avant tout, j'espère que toi et Adam vous portez bien. Je sais que cela fait très longtemps que je ne t'ai pas écrit, et je m'en excuse. Mais vois-tu, Madame Wilder me laisse de plus en plus me charger de la classe, et je suis débordée ! Hier au soir, je me suis couchée à vingt-trois heures car j'ai voulu terminer de corriger toutes les copies. De plus, je dois m'occuper de Grace et faire mes corvées. Mais je vais cesser de me plaindre, car je sais que bien des personnes aimeraient être à ma place...

            Mais sans plus tarder, je vais te raconter ce qui s'est passé au village ces derniers temps. A commencer par la mésaventure qui est arrivée à Madame Oleson.

            C'était la semaine passée, et plus précisément le dimanche, durant l'office. Cela faisait déjà quelques semaines qu'elle racontait à tout le monde qu'elle s'était achetée la plus belle robe de taffetas qu'on faisait en France, et qu'elle la porterait le dimanche.

            Mais lorsqu'elle est arrivée, Madame Oleson a remarqué qu'elle ne lui allait pas car elle était trop grande. Elle l'a alors confiée à Madame Whipple, la couturière. Cette dernière lui a promis de faire ce qu'elle pourrait pour que la robe aille à sa propriétaire, et ce, avant le dimanche suivant.

            Enfin, ce jour-là arriva. Tout le monde était réuni dans l'église et Madame Oleson portait sa nouvelle robe. Lorsque le Révérend nous fit asseoir, on entendit un grand cri suivi d'un déchirement. Aussitôt, tout le monde se retourna pour voir ce qu'il s'était passé !

            Là, nous vîmes Madame Oleson étendue par terre, perdue dans ses jupons de dentelles, avec, à côté d'elle le bas de sa robe entièrement déchiré !! Bien sûr, les plus jeunes d'entre nous ne purent s'empêcher de rire, malgré les réprimandes de leurs parents, tandis que Monsieur Oleson, on ne peut plus gêné, aidait sa femme, qui fulminait, à se relever. Même le Révérend avait envie de rire, mais bien sûr, il s'est retenu ! Finalement, elle a réussi à se relever, a saisi les restes de sa robe (devenue finalement une jupe avec son haut !) et est sortie de l'église, suivie de près par son époux.

            Il paraîtrait que la brave couturière ait oublié de recoudre entièrement la robe. Madame Oleson aurait alors commencé à la perdre, puis marcher dessus. C'est pour cela qu'elle est tombée et que ses beaux vêtements se sont déchirés ! Mais je ne peux m'empêcher de trouver qu'elle a mérité cette punition ! Après tout, elle a bien commis le péché d'orgueil !

            Autre événement important ! On a reçu des nouvelles de Madame Simms, l'ancienne institutrice ! Elle a mis au monde un petite Jane le mois dernier. Elle nous a aussi annoncé que, peut-être, elle viendrait nous rendre visite pendant les vacances d'été ! J'aimerais tant la revoir, elle, son mari et ses deux enfants !

            Sinon, rien de très spécial ne s'est passé ! Le bal de printemps, organisé dans l'Eglise, s'est très bien déroulé ! Papa a joué merveilleusement bien du violon ce soir-là ! Almanzo et sa sœur y étaient également !

            Mary, je sais qu'à toi je peux tout dire, et que tu ne te moqueras pas de moi (contrairement à Albert) ! C'est pourquoi, j'ai décidé de te faire part de ce que je ressens pour Almanzo. De plus, j'espère que tu me comprendras et que tu pourras éventuellement m'aider, car je suis un peu perdue !

            Mais revenons au soir du bal... Alors que Maman et moi-même parlions avec Madame Foster, les Wilder sont arrivés. Là, j'ai senti une grande chaleur s'envahir en moi, et j'ai commencé à rougir. Lorsque le regard d'Almanzo et le mien se sont croisés, je n'ai pu m'empêcher de me détourner et de reprendre part à la conversation Au bout de quelques temps, je me suis retournée à nouveau pour voir ce qu'il était en train de faire. Avec sa sœur, il parlait à Madame Oleson. Albert, s'apercevant que je ne cessais de l'observer, n'a pu s'empêcher de me faire remarquer, que si Almanzo était poli, il m'inviterait à danser ! Evidemment, je me suis fâchée contre lui, en lui disant qu'il n'avait pas à s'occuper de ma vie personnelle, et que, de plus, Almanzo n'était pas impoli, bien au contraire ! Puisque qu'il n'y a rien entre nous deux, il n'allait pas me demander d'être sa cavalière. Il s'est alors éloigné en riant, ne me croyant pas.

            Environ une heure plus tard, alors que je venais de terminer de danser avec Albert (pour ne pas faire tapisserie) et que je parlais avec Nellie Oleson, j'ai soudainement entendu quelqu'un m'adresser la parole. Il s'agissait d'Almanzo qui venait me demander de lui accorder la prochaine danse. J'ai senti que je rougissais, puis je me suis mise à bégayer. Je lui ai alors répondu que j'en aurais été ravie, mais que le moment était très mal choisi puisque j'étais au milieu d'une importante conversation avec Nellie. Ce qui, comme tu l'imagines, était complètement faux. Il est reparti, et j'ai bien vu que, malgré les apparences, je l'avais froissé ! Nellie a quand même eu la bonté de ne faire aucune remarque déplaisante. De plus, il m'a totalement ignoré pendant le reste de la soirée...

            Depuis, je ne l'ai plus revu ! Mary, s'il te plaît, aide-moi ! Dis-moi pourquoi j'ai refusé cette danse ! Dis-moi pourquoi je rougis quand je le vois ! Dis-moi pourquoi je n'arrive jamais à lui répondre correctement quand il me parle ! Je me sens vraiment bizarre ! Est-ce cela l'amour ? Ce dont je suis sûre, c'est que je ne sais plus où j'en suis et que je souffre !!! Alors je te remercie d'avance pour tes conseils à venir.

            Sinon, tu nous manques beaucoup, tout comme Adam ! Toute la famille espère vous revoir bientôt. Votre dernière visite remonte à si longtemps... Mais je sais très bien que vous n'avez pas le temps de venir.

            J'espère que tu m'écriras très rapidement.

Affectueusement

                                                                                                          

Ta sœur, Laura.